Estelle Coppolani
J’ai souvenir d’une rivière
au niveau d’un virage
derrière une petite chapelle1 peinte en rouge
une ravine a creusé son lit
en forme de corail
à coté des manguiers
un grand pied de bilimbi
offre ses grappes garnies
aux fourmis et aux sauterelles
depuis quelques jours
des pousses de haricots
ont commencé d’apparaître
exaucées par les pluies d’été
sur le chemin de l’école
une petite a remarqué
dans la lumière de velours
une silhouette plantée
dans les rochers les troncs
en présence du mystère
la fille croit sentir sur sa nuque
les pattes d’un grillon
retraçant une portion d’énigme
dans un vieil alphabet
de cette vision matinale
elle a conçu une prière
qu’elle chante sur le chemin du retour
en ramassant des tangors
trois fois je remercie
cet oeil et cette bouche
et ce pied et ce ventre
allés dans les grandes plaines
restaurer leur génie
je dis trois fois merci
pour les vents levés à l’est
la côte aplanie sous la lave
et l’eau coulée jusqu’à l’ermitage
si la fillette rentre un peu tard
on s’empresse de demander
ou sa ou sort kosa ou la fé
où étais-tu dis qu’as-tu fait
fénwar fini tombé té
la nuit est tombée déjà
c’est plus tard avant de s’endormir
que l’enfant allée dans la ravine
se répète son oraison
j’ai souvenir d’une rivière
mwa na souvnans rivièr lontan